Soldats de France - Association Nationale de Soutien à nos Soldats en Opération (ANSSO)

La mutation salafo-djihadiste de la menace terroriste

Les attaques terroristes sont en forte augmentation, mais ce n’est pas tout. Les groupes djihadistes et leurs militants évoluent aussi et tendent à se métamorphoser et à devenir plus décentralisés et à agir de manière plus indépendante.
Un récent rapport de la RAND Corporation fait état d’une augmentation, depuis 2010, du nombre de groupes et de combattants djihado-salafistes, particulièrement en Syrie et en Afrique du Nord et du nombre d’attaques perpétrées par Al Qaeda et ses affiliés.
Les djihado-salafistes (salafi-djihadiss) suivent une version ultra radicale de l’Islam qui prône la violence.



Selon Antoine SFEIR,  la racine du mot « salafiste », concept appartenant à l’islam sunnite vient de salaf,  qui pourrait signifier « ancêtres » ou « pieux prédécesseurs » et par là faire état d’une quête de l’authenticité et  d’un retour à la pureté des sources.
Le salafisme est donc plutôt une tendance de « régénération » de la foi et de réislamisation de la société.
 
La doctrine du salafisme prône le retour à l’islam des origines par l’imitation de la vie du Prophète, de ses compagnons et des deux générations suivantes ; le respect aveugle de la sunna (tradition islamique, comprenant le Coran, les hadiths et la sira).
 
Le salafisme condamne :
 
  • toute interprétation théologique, en particulier par l’usage de la raison humaine, accusée d’éloigner le fidèle du message divin ;
  • toute piété populaire ou superstition, comme le culte des saints, jugé contraire à l’unicité de Dieu (tawhîd) ;
  • toute influence occidentale, comme le mode de vie et la société de consommation, mais également la démocratie et la laïcité.
 
Le salafisme « djihadiste » (un des 3 courants principaux du salafisme) suit une ligne révolutionnaire  et constitue la base intellectuelle du terrorisme et des opérations suicides, encourageant des actions violentes contre les Occidentaux.
 
Inspiré par l’expérience du Frère Musulman égyptien Sayyed Qotb ou du Jordanien Abou Mohamed Al Maqdissi, il statue que tout Musulman a l’obligation, où qu’il soit, de porter le fer contre ceux, musulmans ou non, qui oppriment les « musulmans pieux ».
 
Ce salafisme  est le fruit de la rencontre entre la doctrine traditionnaliste saoudienne et la stratégie de prise de pouvoir des Frères musulmans. C’est celui mené par Al Qaeda et développé par Al Zawahiri et Abou Mossab, qui portent la lutte à l’échelle mondiale préfigurant ainsi l’instauration d’un État islamique mondial qui préfigurera l’avènement de la justice de Dieu sur terre.
 
Le « salafisme djihadiste » est l’idéologie dans laquelle se reconnaissent les groupes terroristes tels que Al Qaeda, les Shebbab, Boko Haram, Jama islmaya, ainsi que les individualité tels que les freres Tsarnaev (attentat de Boston en mai 2013), les frères Kouachi et leur complice Koulibaly, le tueur du Danemark, le preneur d’otage de Sidney et dernièrement en France Sid Ahmed Ghlam)…..
 
Cette idéologie de l’Etat Islamique et de ses affiliés s’appuie sur 3 piliers :
 
1) Tout d’abord l’Etat Islamique et les individus qui le composent se considèrent comme « TAKFIR ». C’est à dire autorisé à jeter l'anathème (Takfir) sur les autres groupes musulmans qui ne pratiquent pas avec la même rigueur qu’eux et qui sont considérés comme des apostats (non-croyants).  Né d’une scission des Frères musulmans par un groupe de puristes dirigé par Moustafa CHOUKRI, ils s'inspirent des théories de Sayyid Qotb (créateur des Frères Musulmans) qu’ils  appliquent à la lettre.
 
Les groupes armés qui se revendiquent du salafisme djihadiste s’appuient sur cette notion de TAKFIRIS. Leurs pratiques de guerre sont particulièrement violentes et caractéristiques :
 
  • Profanation de tombes, destruction des mausolées, et de lieux de cultes ;
  • Atrocités, généralement filmées, utilisées pour intimider et terroriser les populations (décapitations, exécutions de masse, immolations) ;
 
Leur idéologie exige l'élimination de tous les non-musulmans (ils sont opposés à la dhimmitude) ainsi que de la majorité des musulmans.
 
2) Ensuite, leur perception du monde est totalement manichéenne. C’est blanc ou noir, il n’y a pas de gris.  Ils opposent au concept de la « maison de la guerre » (Dar al harb) celui de la « maison de l’islam » (Dar al islam) selon lequel chaque nation doit avoir un leader musulman (dans son interprétation  Takfir : c.à.d de « purs » musulmans) et respecter  la loi islamique (la Sharia).
Les nations qui ne sont pas dans la maison de l’Islam, sont de facto dans la maison de la guerre et deviennent les cibles d’un jihad violent sans fin. L’Irak et la Syrie sont considérés dans la maison de la guerre. En tant que telle, elles sont donc victimes de l’idéologie salafiste djihadiste jusqu’à ce qu’elle se soumette à la loi de l’Islam.
 
L’application de la Sharia dans son expression la plus brutale s’inspire d’une lecture puriste et à la lettre des 4500 haditha.
 
 
3) Enfin, l’Etat Islamique applique une lecture littérale, à la lettre, mot pour mot du Coran.
Ainsi, son action s’appuie sur le verset/sourate 8/12 «  je distillerai la terreur dans le cœur des infidèles ; châtiez les au-dessous de la nuque » et sur le verset 47 : 4 : « Ainsi lorsque vous rencontrez les infidèles (en combat) chatiez les à la nuque ».  De la sorte, il utilise l’idéologie salafiste djihadiste pour étendre leur loi. Ils sont violents, effrayants et sans pitié.
 
Cependant, ce qu’il faut tout d’abord retenir, c’est qu’ils se croient les seuls « vrais croyants » au regard des autres religions et même au regard des autres musulmans.  En tant que tel, ils ont une approche élitiste et narcissique dans tout ce qu’ils font.
 
On ne peut donc pas les raisonner, ni même « engager le dialogue » avec eux. Il est donc absurde de se demander si l’on peut « négocier » avec eux. Leur seul projet est l’implémentation de la Sharia dans sa lecture salafiste sur l’ensemble du monde musulman et non musulman
 
Le nombre de combattants salifstes djihadistes a plus que doublé entre 2010 et 2013 avec une cristallisation sur le conflit en Syrie.
 
En 2013, année pour laquelle on dispose de tous les chiffres, la plupart des violences liées à Al Qaeda ont été perpétrées par 4 groupes distinctes.
L’Etat Islamique, précédemment connu sous l’appellation de ISIS arrive malheureusement en tête avec 43% des  violences.
Viennent ensuite les Shebbab somaliens qui ont récemment menacé de s’en prendre directement à un grand centre commercial parisien pour 25%, puis le front Al-Nosra qui opère en Syrie et au Liban à 21 % et enfin Al Qaeda dans la Péninsule Arabique pour 10%.
 
Le rapport de la Rand  stipule que les mouvements d’obédience salafistes djihadistes se sont décentralisés en 4 types :
 
  1. Le cœur névralgique d’Al Qaeda au Pakistan, dirigé par Al Zawahiri ;
  2. Les groupes tels que les Shebaab ayant fait allégeance à Al Qaeda et qui sont disséminés de la Somalie à la Syrie en passant par le Yemen et l’Afrique du Nord ;
  3. Un ensemble hétéroclite de groupes dont le groupe Etat Islamique qui n’est pas allié à AQ mais dont le but est d’établir un califat fondamentaliste ;
  4. Et enfin des individualités évoquées plus hauts (Mehra, Tsarnaev, Kouachi, Koulibaly… ou dernièrement en France Sid Ahmed Ghlam).
 
Ce 4eme groupe représente une sur-menace extrêmement dangereuse. De coordonnées et centralisées, les actions terroristes peuvent désormais être le fait d’individualités qui s’agglomèrent en vue de mener une action « validée » dans l’esprit par les chefs, tout en s’émancipant de la tutelle hiérarchique et organisationnelle de ceux-ci.  C’est la logique des cellules  autonomes.
 
Un autre rapport du Brookings Institut (http://www.brookings.edu ) révélait il y a quelques semaines, que sur 46 000 comptes tweeter de partisans de l’Etat Islamique, l'arabe (73 %) est la langue la plus parlée, suivie de l'anglais (18 %) et du français (6 %) qui arrive en 3ème position.
 
L’ « agit prop » menée par l’Etat Islamique sur les réseaux sociaux est un axe majeur de la diffusion de  leur idéologie salafiste-djihadiste.
 
Nous pouvons donc gager que malheureusement ce n’est qu’un début …
 
 Par David HORNUS - Corpguard, à partir de « terrorist threat evolves par Mark Tallaro in security Management et "Isis : Nothing new under the sun » par Brig Barker


David HORNUS est un spécialiste de la sécurité des entreprises, de la gestion des risques et de la négociation de crise.

 Il est titulaire d'un 3ème Cycle en "stratégie d'intelligence économique" de l'Ecole de Guerre Économique (1999) et d'un diplôme en "stratégies, analyses et prospectives des mondes méditerranéens" (2022) de l'Université de Toulon.

 Expert en intelligence et sécurité économique, il dirige aujourd’hui VIGILANTIS et s'engage depuis plus de 15 ans à préserver les intérêts de ses clients, à les protéger de la criminalité économique sous toutes ses formes.

 Négociateur dans le cadre de polices d'assurance "risques spéciaux" pour un leader mondial de la gestion des risques, il a été déployé sur plusieurs dossiers de haute intensité qui l'ont conduit sur les principales zones de crise.

 Il est l'auteur d'une " contribution territoriale sur le continuum de sécurité " (juin 2020) et de " Danger Zone : Témoignage d'un professionnel de la gestion de crise " aux éditions Balland (mai 2022).

 Officier de réserve il est titulaire de la Croix du combattant volontaire pour les opérations extérieures.