Soldats de France - Association Nationale de Soutien à nos Soldats en Opération (ANSSO)

A 05 h 15, le 11 Novembre 1918 le clairon sonnait le "cessez-le feu !"

En mémoire de tous ceux qui sont tombés pour que les générations futures ne connaissent pas la guerre et vivent dans un monde meilleur ...



« Le devoir de mémoire incombe à chacun, lui seul permet de rendre inoubliable. Ceux qui sont morts pour que nous vivions ont des droits inaliénables. Laisser la mémoire se transformer en histoire n'est pas suffisant, n'est pas acceptable. Le devoir de mémoire permet de devenir un témoin, c'est son but. »



Poème "Eve" du Lieutenant Charles PEGUY
Mort pour la France le 5 septembre 1914


« Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés

Dans la première argile et la première terre.

Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre.

Heureux les épis murs et les blés moissonnés.

 

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés

Dans la première terre et l’argile plastique.

Heureux ceux qui sont morts dans une guerre antique.

Heureux les vases purs et les rois couronnés.

 

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés

Dans la première terre et dans la discipline.

Ils sont redevenus la pauvre figuline.

Ils sont redevenus des vases façonnés.

 

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés

Dans leur première forme et fidèle figure.

Ils sont redevenus ces objets de nature

Que le pouce d’un Dieu lui-même a façonnés.

 

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés

Dans la première terre et la première argile.

Ils se sont remoulés dans le moule fragile

D’où le pouce d’un Dieu les avait démoulés.

 

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés

Dans la première terre et le premier limon.

Ils sont redescendus dans le premier sillon

D’où le pouce de Dieu les avait défournés.

 

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés

Dans ce même limon d’où Dieu les réveilla.

Ils se sont rendormis dans cet alléluia

Qu’ils avaient désappris devant que d’être nés.

 

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont revenus

Dans la demeure antique et la vieille maison.

Ils sont redescendus dans la jeune saison

D’où Dieu les suscita misérables et nus.

 

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés

Dans cette grasse argile où Dieu les modela,

Et dans ce réservoir d’où Dieu les appela.

Heureux les grands vaincus, les rois découronnés.

 

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés

Dans ce premier terroir d’où Dieu les révoqua,

Et dans ce reposoir d’où Dieu les convoqua.

Heureux les grands vaincus, les rois dépossédés.

 

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés

Dans cette grasse terre où Dieu les façonna.

Ils se sont recouchés dedans ce hosanna

Qu’ils avaient désappris avant que d’être nés.

 

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés

Dans ce premier terreau, nourri de leur dépouille,

Dans ce premier caveau, dans la tourbe et la houille.

Heureux les grands vaincus, les rois désabusés.

 

Heureux les grands vainqueurs. Paix aux hommes de guerre.

Qu’ils soient ensevelis dans un dernier silence.

Que Dieu mette avec eux dans la juste balance

Un peu de ce terreau d’ordure et de poussière.

 

Que Dieu mette avec eux dans le juste plateau

Ce qu’ils ont tant aimé, quelques grammes de terre.

Un peu de cette vigne, un peu de ce coteau,

Un peu de ce ravin sauvage et solitaire. »