20/07/1918 - Capitaine Joost VAN VOLLENHOVEN

Citation à l'ordre de l'Armée du 28 Juillet 1918, inscrite sur le mausolée de VAN VOLLENHOVEN :
"Officier d'une valeur et d'une vertu antiques, incarnant les plus belles et les plus solides qualités militaires, mortellement frappé au moment où, électrisant la troupe par son exemple, il enlevait une position ennemie opiniâtrement défendue.
A placer au rang des BAYARD et des LA TOUR D'AUVERGNE, et à citer en exemple aux générations futures, ayant été l'un des plus brillants parmi les plus braves".




LE SOLDAT
Immigré naturalisé français, Joost VAN VOLLENHOVEN pensait qu'il avait des devoirs particuliers à l'égard de son pays. Ses biographes rapportent à ce sujet l'un de ses propos:
"La France m'a fait ce que je suis. Dans les heures que nous vivons, je dois faire plus que les autres, je n 'aurai rien fait tant que je n'aurai pas tout fait".

Sa correspondance, les récits de ses compagnons, et tout son comportement le montrent animé par le plus ardent des patriotismes. Témoignant d'un total engagement personnel, il choisit délibérément a deux reprises d'accomplir humblement son devoir militaire, alors qu'il eût pu sans doute continuer à servir son pays dans les postes prestigieux auxquels il avait été appelé par le Gouvernement.

Sergent de réserve après son service militaire accompli en 1901 et 1902 au 1er régiment de zouaves, Joost VAN VOLLENHOVEN est incorporé volontaire en Indochine le 27 avril 1915.

I1 rejoint le R.I.C.M. dans les Flandres le 12 mai 1915 et est aussitôt nommé sous-lieutenant.
Blessé une première fois près d'ARRAS le 25 septembre 1915, il est hospitalisé pendant sept mois.
Une première citation, à l'ordre du corps d'armée, lui est décernée le 15 octobre 1915.

Le colonel MESSIMY, avec lequel il est lié d'amitié, vient le chercher au mois d'avril 1916 sur son lit d'hôpital pour en faire son chef d'état-major à la 6ème brigade de chasseurs à pied. Bien qu'incomplètement guéri, il accepte cette affectation et pendant plus d'un an, jusqu'au mois de mai 1917, assure la préparation minutieuse de toutes les opérations dans lesquelles son unité est engagée en ALSACE, dans la SOMME, en CHAMPAGNE. Tenant à en suivre l'exécution sur le terrain, il est blessé une nouvelle fois le 12 septembre 1916. Il reçoit une deuxième citation, à l'ordre de l'Armée, le 2 janvier 1917.

Mais il a peu de goût pour ce travail d'état-major et regrette son R.I.C.M. dont il porte toujours l'ancre de marine.

Après sa démission du poste de Gouverneur général de l'A.O.F., il retrouve le 28 janvier 1918 le R.I.C.M. comme commandant de la 1ère compagnie du 1er bataillon.
Engagé de mars à juillet 1918 au sud de ROYE puis au nord de COMPIEGNE, son régiment garde victorieusement le verrou sur lequel buttent les dernières offensives allemandes. Le 10 avril 1918, une troisième citation à l'ordre de 1a division est décernée au capitaine VAN VOLLENHOVEN.

Le 18 juillet 1918 à 4 h 35 du matin, la Xème armée à laquelle appartient le R.I.C.M. engage par surprise, à partir de la forêt de VILLERS-COTTERÊTS, une offensive contre le flanc ouest de 1a poche allemande de CHÂTEAU-THIERRY. Le 1er bataillon dont il est alors adjudant-major, après la prise de LONGPONT, progresse rapidement le long de la vallée de la SAVIÈRES. Le 19 juillet à 19 heures, son unité, qui a presque atteint son objectif, la route de SOISSONS à CHÂTEAU-THIERRY, est arrêtée par une contre-attaque devant le village de PARCY-TIGNY. Le capitaine VAN VOLLENHOVEN se porte à l'avant et debout, tête nue, au milieu des blés mûrs observe l'ennemi. Il est alors frappé par une balle à la base du crâne. Il a la force de se relever et de se diriger lui-même en chancelant vers le poste de secours. Il expire dans la matinée du 20 juillet au cours de son transport vers l'ambulance divisionnaire.

Le 28 juillet 1918 est décernée, à titre posthume au capitaine VAN VOLLENHOVEN, la quatrième et exceptionnelle citation inscrite aujourd'hui sur sa tombe. Le souvenir de VAN VOLLENHOVEN ne peut être dissocié de celui du prestigieux R.I.C.M. auquel il était très attaché.
C'est pourquoi les deux citations exceptionnelles à l'ordre de l'Armée, décernées au lendemain de la bataille au R.I.C.M. et à Joost VAN VOLLENHOVEN ont été gravées côte à côte sur le monument édifié sur sa tombe.

La citation du R.I.C.M. relate les faits d'armes au cours desquels le capitaine VAN VOLLENHOVEN a trouvé une mort héroïque :

"Splendide régiment dont la valeur et l'entrain sont légendaires, les 18, 19, et 20 juillet 1918, le R.I.C.M. sous l'énergique commandement du lieutenant-colonel MODAT, est parti à l'assaut avec une fougue irrésistible, repoussant l'ennemi sur une profondeur de plus de 7 kilomètres, malgré sa résistance acharnée et lui capturant 825 prisonniers dont 19 officiers, 24 canons, 120 mitrailleuses et un nombreux matériel".


LA MORT DE JOOST VAN VOLLENHOVEN

Nous possédons les deux récits suivants des circonstances dans lesquelles JOOST VAN VOLLENHOVEN a été blessé et est "mort pour la FRANCE" le 20 juillet 1918.

1) Lettre du lieutenant-Colonel MODAT, commandant le RICM au Général Messimy

"c'est avec une grande tristesse que je vous confirme la mort du capitaine VAN VOLLENHOVEN, tombé au champ d'honneur le 19 juillet en avant de PARCY-TIGNY.
C'est une perte irréparable pour le régiment d'infanterie coloniale du MAROC où il ne comptait que des amis, mais aussi pour le pays.
Pendant cinq mois, il avait commandé la 1ère compagnie du 1er régiment de FRANCE, comme il disait plaisamment.

Adoré de ses hommes, il en avait fait une unité hors ligne. Et quand on lui rappelait que le rôle de commandant de compagnie était peut-être ingrat et terre à terre, il se récriait vivement, affirmant sa grande joie de faire son devoir, tout son devoir.
J'avais cependant quelques scrupules à laisser s'aventurer dans les premières vagues d'assaut une si belle intelligence, une personnalité de telle envergure .
Je pensais le proposer pour chef de bataillon. Dans ce but, je l'avais désigné comme adjudant major du 1er bataillon.

Dans ces nouvelles fonctions, il se prodigua encore, montrant une activité encore remarquable. Il était partout, infatigable, toujours plein de gaieté.
C'est dans ces conditions qu'il partit le 18 juillet à la bataille.

Son bataillon fit la rupture jusqu'au premier objectif, c'est-à-dire sur près de cinq kilomètres de profondeur, puis dépassé successivement par les autres bataillons du régiment, le 1er bataillon devint momentanément bataillon de réserve. Ce ne fut pas pour longtemps. Dès le soir, il était engagé à nouveau en soutien du bataillon de tête et il arrivait tout près des lisières de PARCY-TIGNY.

Vers 20 heures, le 18 juillet, le capitaine VAN VOLLENHOVEN venait personnellement à mon poste de commandement pour me rendre compte de la situation. Il était joyeux de notre glorieuse avance.
Le 19 juillet au soir, il fut mortellement blessé à la tête de son bataillon, c'est-à-dire au point extrême de la progression française de ces journées décisives des 18 et 19 juillet".



2) Récit du lieutenant LEGRAND, Administrateur des Colonies, collaborateur de van Vollenhoven, Officier au RICM

"Le 19 juillet, dans l'après-midi, le 1er bataillon du R.I.C.M, sous les ordres du commandant DOREY, avait reçu à PARCY-TIGNY l'ordre de reprendre la marche en avant vers COUTREMAIN et la route de CHATEAU-THIERRY à SOISSONS.

Le bataillon était en soutien d'un bataillon du 8ème tirailleur; mais les fluctuations du combat ne tardèrent pas à le découvrir et à le replacer en première ligne.
Un tir de surprise par des mitrailleuses allemandes placées à droite et à gauche dans les blés, nous contraint à nous coller à terre. Le lieutenant BAUMGARTNER est blessé, ainsi que l'agent de liaison qui me suit.

Le commandant DOREY donne l'ordre de sortir de la gerbe de tir des mitrailleuses et de progresser vers la ligne de tranchées située à notre gauche pour enrayer le mouvement ennemi.
Le capitaine VAN VOLLENHOVEN très calme, plein de sang-froid et avec le même allant dont il n'a cessé de faire preuve au coeur de l'attaque, veut passer en tête pour diriger les compagnies.
Afin de ne pas se faire repérer, il ôte son casque et, tête nue, avec un superbe mépris de la mort, il scrute le champ de bataille pour se rendre compte de la manoeuvre ennemie.

Malgré nos objurgations et en dépit du crépitement rageur des mitrailleuses, il ne se baisse pas et tombe, face à l'ennemi, atteint d'une balle qui le frappe à la base du crâne.
Avec le commandant DOREY, je dépasse le capitaine qui s'est affaissé, appelé que je suis par un devoir plus impérieux que celui qui m'attache à un chef, particulièrement aimé et respectueusement apprécié de tous.
Le capitaine VAN VOLLENHOVEN n'était cependant terrassé que momentanément.
Avec une incroyable énergie, surmontant la douleur, le blessé s'était levé, et, seul, se dirigeait vers le poste de secours. Quelques secondes après, je le vis, le déclin du jour, emporté sur les épaules d'un poilu.

Le capitaine VAN VOLLENHOVEN fut ainsi retiré de la ligne de feu et porté à PARCY-TIGNY où il reçut les premiers soins. Il ne pouvait parler et souffrait courageusement. Le lendemain matin, il était amené à l'ambulance régimentaire où il arriva sans connaissance.
Evacué sur l'ambulance divisionnaire, le gouverneur général VAN VOLLENHOVEN expirait en cours de route dans la matinée du 20 juillet. Son corps fut confié au médecin chef qui se chargera de lui assurer une sépulture provisoire.

Telles sont les circonstances dans lesquelles le capitaine VAN VOLLENHOVEN est tombé au champ d'honneur, fidèle à son idéal et à la ligne de conduite qu'il s'était tracée, à laquelle il s'est conformé pendant toute sa vie jusqu'à sa mort".


L'HOMME ET LE HAUT-FONCTIONNAIRE

Né le 21 juillet 1877 à ROTTERDAM dans une vieille famille de notables néerlandais, Joost VAN VOLLENHOVEN passe la plus grande partie de son enfance en Algérie où ses parents se sont établis comme commerçants.

Après sa licence en droit et sa naturalisation française obtenue le 4 février 1899, il est admis la même année à l'ÉCOLE COLONIALE dont il sort breveté en 1903, major de sa promotion et docteur en droit.
Pendant les huit premières années de sa carrière, il accomplit d'importantes missions politiques, administratives, voire diplomatiques, d'abord au ministère des Colonies, puis en A.O.F. et en A.E.F., puis à nouveau à Paris.

Très brillant fonctionnaire, il reçoit la Légion d'Honneur à titre civil en 1912 et est nommé à 35 ans Gouverneur des Colonies et Secrétaire général de la Fédération indochinoise.
A la déclaration de guerre en août 1914, Albert SARRAUT étant appelé à un poste ministériel en France, c'est Joost VAN VOLLENHOVEN, devenu Gouverneur général par intérim, qui doit décider à HANOI des mesures requises par l'état de guerre.

Brûlant de rejoindre une unité combattante en France, il demande à être déchargé de ses fonctions et, en avril 1915, rentre en métropole comme sergent d'infanterie coloniale. Dès son arrivée, il rejoint au front le 12 mai 1915, le régiment d'infanterie coloniale du Maroc (R.I.C.M.). Il est nommé sous-lieutenant le 21 mai.

Blessé et plusieurs fois cité, Joost VAN VOLLENHOVEN, cédant aux pressions du ministre des Colonies MAGINOT, accepte en mai 1917 d'être nommé, à l'âge de 40 ans Gouverneur général à DAKAR et reçoit la mission, qu'il mènera à bien, de développer l'effort de guerre de l'A.O.F..
Huit mois plus tard, il est en désaccord avec le Gouvernement sur la désignation d'un parlementaire comme Haut-Commissaire en Afrique avec pleins pouvoirs pour le recrutement des noirs. Il refuse de transiger avec l'idée qu'il se fait des devoirs de sa charge: déjà, dans un rapport du 25 septembre 1917, il avait émis des réserves expresses sur une intensification du recrutement des soldats africains. Refusant toutes les compensations que G. CLEMENCEAU lui propose, il démissionne de son poste le 17 janvier 1918, demandant comme un privilège de rejoindre le R.I.C.M. au front.

Cité une nouvelle fois en avril 1918 comme capitaine au R.I.C.M., il est mortellement blessé le 19 juillet 1918 près du village de PARCY-TIGNY, lors de l'offensive de la Xème Armée du Général MANGIN qui, engagée depuis la veille à partir de la forêt de VILLERS-COTTERÊTS, ouvrira la voie à la deuxième et décisive victoire de la Marne.

Décédé dans la matinée du 20 juillet, la veille de son quarante et unième anniversaire, il est inhumé à l'orée de la forêt de VILLERS-COTTERÊTS sur le territoire de la commune de MONTGOBERT, non loin du village de LONGPONT.

Avec lui disparaît un homme exceptionnel, doué d'une grande générosité et d'une valeur morale exemplaire, qui, à peine entré dans l'âge mûr, a déjà accompli une éblouissante carrière et est alors considéré comme l'une des personnalités les plus remarquables de son temps, promise à un grand avenir.

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