Soldats de France - Association Nationale de Soutien à nos Soldats en Opération (ANSSO)

Janvier 2016 - LUTTE CONTRE LE TERRORISME : DISSUADER, RÉAGIR, SAUVER

L’étude chronologique et approfondie des attentats et autres actes d’inspiration terroriste commis en France depuis l’affaire Merah mais surtout depuis l'appel du porte parole de l’EI en Septembre 2014 à "tuer des sales français par tous les moyens", met en lumière une multitude de signaux faibles et forts qui ont abouti aux tueries de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 et aux attentats du 13 novembre 2015.
S'appuyant sur son expertise en matière de sûreté et sécurité, la société Corpguard propose ici des pistes de réflexions à mettre en œuvre afin de démultiplier les effectifs attribués à la sécurité intérieure, et réduire les risques et conséquences d’une nouvelle attaque.



« Tuez des sales français » : une déclaration qui fit office de déclencheur
 
Le 22 septembre 2014, Abu Mohammed al-Adnani, porte-parole de l’EI, exhortait dans un message audio les musulmans du monde entier à tuer « de quelque manière que ce soit » les « infidèles américains ou européens… et particulièrement les sales Français ».
 
L’étude chronologique et approfondie des attentats et autres actes d’inspiration terroriste commis en France depuis l’affaire Merah, surtout depuis cette déclaration du porte parole de l’EI, met en lumière une multitude de signaux faibles et forts qui ont abouti aux tueries de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 et aux attentats du 13 novembre 2015 (soit 2 tueries de masse en moins d’un année).
 
Des signaux alarmants sous-évalués
 
Entre août et début octobre 2015, la presse française rapportait que de nombreux experts et responsables de la lutte antiterroriste craignaient que la France ne soit la cible de nouveaux attentats "impossibles à déjouer" et prédisaient un « 11 septembre » imminent sur son territoire. (http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2015/09/18/arrestation-d-un-ex-djihadiste-qui-aurait-projete-des-attentats-contre-une-salle-de-concert_4762141_1653578.html).
 
Dés le 23 août 2015, nous écrivions que les attentats allaient se poursuivre ( lien vers : Lhttp://www.corpguard.com/fr/2015/08/pourquoi-les-attentats-vont-se-poursuivre-la-strategie-des-milles-entailles/).
D’ailleurs, un ex-djihadiste arrêté en Aout 2015 avait même évoqué un projet d’attentat visant une salle de spectacles ! (Le monde du 19 septembre 2015 http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2015/09/18/arrestation-d-un-ex-djihadiste-qui-aurait-projete-des-attentats-contre-une-salle-de-concert_4762141_1653578.html).
 
Il faut se rendre à l’évidence, notre pays est sous la menace de nouvelles frappes
 
Le rythme, la fréquence et le caractère récurrent des actes d’inspiration terroriste sur notre territoire (déjoués, évités de justesse ou de moindre amplitude en nombre de victimes) prouvent que nous sommes confrontés à une menace réelle, diffuse, permanente et très élevée. La société civile doit prendre conscience que le climat sécuritaire dans lequel nous vivons est extrêmement dégradé et que dans ce climat des mesures doivent être prises.
 
Gêner l’action des terroristes par une action dynamique de nos forces
 
En effet, au lieu de subir le tempo des terroristes, il faut leur imposer le notre. Pour ce faire il faut rendre plus dynamique l’opération Sentinelle qui, de l’aveu même du Général BOSSER, Chef d’Etat-Major de l’Armée de terre (CEMAT), a été «  …une ligne Maginot que les assaillants du 13 novembre ont su contourner en frappant là où on ne les attendait pas » respectant ainsi un  principe de la guerre en style indirecte.
Dès le 15 Novembre, Jean-Dominique MERCHET formulait cet impératif sur son blog Secret Défense. Nous même appelions le 18 novembre à changer de posture de combat (http://www.corpguard.com/fr/2015/11/13-novembre-2015-le-jour-dapres/).
 
Le CEMAT reconnaît d’ailleurs, dans un article de la Revue de Défense nationale (RDN) à paraître en Janvier 2015, les limites de l’opération sentinelle dans « …la défense de l’arrière face à l’ennemi ».
Il écrit ainsi : « […] qu’il faut substituer une approche dynamique dans le temps et dans l’espace… et rendre les dispositifs plus mobiles afin de générer de l’incertitude en faisant peser sur l’ennemi une menace non prédictive et omniprésente ».
 
Les « scenarii du pire » auxquels la société civile doit être préparée
 
Aujourd’hui plusieurs modes opératoires sont à retenir :
 
  • Le Franc-Tireur « isolé » (initiative individuelle sans tutelle hiérarchique) :
C’est typiquement le cas de l’attentat de St Quentin Fallavier en Juillet 2015 et plus récemment de Valence le 2 janvier 2016 (plus anciennement des affaires de Dijon et de Metz cf tableau).
 
  • Le ou la kamikaze avec ceinture d’explosifs
Stade de France, Bataclan, projet d’attentat aux Quatre temps, projets d’attentats présumés du couple de Montpellier.
 
  • L’attaque ou l’agression par tous moyens des forces de l’ordre ou de l’Armée avec projet de décapitation
Comme à Collioure, Toulon, Orly, La Défense, Metz, Paris, Orléans (cf tableau) …
 
  • Fusillades
« Petit Cambodge » et « La Belle Équipe », projet de Bruxelles, arrestation de Mohamed X en Avril 2014 à Antibes (Cf Tableau).
 
  • Tueries de masse suivies ou précédées d’une prise d’otage
Charlie Hebdo, Hyper Casher, Thalys, Sacré Cœur, Églises de Villejuif, Bataclan, Petit Cambodge et… projet au Quatre-Temps.
 
  • L’attentat chimique ou la mise en œuvre d’une bombe « sale »
Alertes émises par le gouvernement sur le risque chimique pendant la COP 21.
 
  • L’attaque industrielle ou écologique contre des sites « Seveso »
Le risque industriel est majeur et il faut se rappeler que c’est ce que cherchait à faire le terroriste de St Quentin-Fallavier en projetant son véhicule sur des cuves de la société Air Products .
 
  • Attaques multiples et simultanées impliquant plusieurs « équipes »
Stade de France/Bataclan, Hyper Casher/Charlie Hebdo, déclarations faites par l’EI.
 
Ces scenarii sont à mettre en perspective avec les récentes offensives de l’EI sur des site pétrolifères (Ben Jawad) en Libye et l’annonce de la présence de 5000 « combattants » de l’EI sur ce territoire faisant de ce dernier une base d’assaut vers l’Europe et permettant l’infiltration de terroristes parmi les réfugiés.
 
Agir en amont afin que les mêmes causes ne reproduisent pas les mêmes effets
 
Il n’est plus temps de savoir si notre territoire peut subir de nouvelles attaques, ni de savoir où et quand. Il convient aujourd’hui de tirer les enseignements du 13 novembre pour, qu’en cas d’attaque, savoir, un maximum de vies soient sauvées.
Nous livrons ici quelques pistes non exhaustives :
 
CONSTATS TIRES DES ATTAQUES DU 13 NOVEMBRE 2015 EXEMPLES D’ACTION A MENER
Elles ont été imprévisibles et soudaines Former la population à la vigilance, faire du renseignement, permettre à chacun de rapporter et de signaler les comportements suspects, permettre aux organismes sociaux (Urssaf, sécu, ANPE…) d’informer les employeurs, et vice et versa, transmettre les fiches « S », vérifier systématiquement en cas de nouvelle embauche les antécédents, renforcer les contrôles d’accès et la sécurité des sites sensibles (Seveso), permettre aux forces de l’ordre des arrestations préventives (ex : dans le cadre de l’Etat d’Urgence)…  
 
Elles ont frappé des sites préalablement reconnus (Stade de France) ou un minimum de contrôles d’accès et la vigilance d’un vigile qui n’était pas en service a probablement évité un massacre. Réaliser les audits sûreté/sécurité des sites sensibles, industriels, des entreprises, Centre-Commerciaux, gares, Universités, écoles, afin d’optimiser les effets ralentisseurs ou de limitation (containement).  
 
Elles ont frappé des cibles vulnérables non sécurisés et là où le nombre de victimes serait considérable. Faire des patrouilles mobiles et dynamiques, comme suggéré par le CEMAT, former les agents des forces de l’ordre et plus généralement l’ensemble des agents de sécurité (mais aussi le plus grand nombre de citoyens) aux gestes qui sauvent en cas de blessures multiples par balles, avec saignement massif, ou hémorragie.  
 
Les primo-intervenants armés (équipage BAC au Bataclan) ont été en mesure de neutraliser un terroriste sauvant vraisemblablement de nombreuses vies.  
 
Les sites « stratégiques » (Points d’intérêt vital PIV et Opérateurs d’importance vitale OIV) doivent être protégés par des unités de gendarmerie ou militaires (ex : Kourou) les autres sites, notamment privés, par des sociétés ayant a très court terme capacité à déployer des agents armés.  
 
Elles ont fait de très nombreuses victimes par arme de guerre dont beaucoup sont décédées d’hémorragies multiples. Dans les zones à forte densité (Gare, aéroport, Centres-Commerciaux, Métro, salles de spectacles et de concerts, stades… des audits doivent être diligentés et des procédures, du matériel et équipements doivent être mis en place : zone de triage des blessés, itinéraires d’évacuation matérialisés, safe-zone, brancards souples, équipement médicaux permettant d’arrêter des hémorragies et stabiliser des blessés par armes de guerre … (garrots tourniquets, solutions hémostatiques type « starsil »).
 
Adopter une posture de combat, réformer le cadre du port d’arme pour les agents de sécurité privé et utiliser les golden minutes pour sauver des vies
L’Etat doit mener une réflexion dans les plus brefs délais pour sortir notre pays de la torpeur et de la sidération dans laquelle nous sommes pour diffuser une « culture du combat » de tous les instants, à tous les acteurs et adaptée au niveau de menace.
Plusieurs mesures importantes devraient rapidement être adoptées :
  • Autoriser le port d’arme au profit de sociétés de sécurité privées (autres que les sociétés de gardiennage) agréées par l’Etat comme l’ont déjà fait d’autres pays, afin de démultiplier les capacités de dissuasion, de réaction, et d’intervention,
  • Dispenser des formations « spécifiques » aux agents de ces sociétés de sécurité opérationnelles afin d’en faire une véritable force « supplétive » permettant aux forces de l’ordre de se concentrer sur les sites stratégiques,
  • Faire appel aux réservistes afin de constituer une Garde Nationale qui deviendrait ainsi un échelon intermédiaire entre la sécurité privée « opérationnelle » et les forces de l’ordre assurant des missions régaliennes.
Ces réflexions sont issues de notre expérience en matière de sûreté et sécurité et ne constituent que des pistes à mettre en œuvre afin de démultiplier les effectifs attribués à la sécurité intérieure, et réduire les risques et conséquences d’une nouvelle attaque.
 
David HORNUS – Directeur de GROUPE CORPGUARD - VIGILANTIS

David HORNUS est un spécialiste de la sécurité des entreprises, de la gestion des risques et de la négociation de crise.
 
Il est titulaire d'un 3ème Cycle en "stratégie d'intelligence économique" de l'Ecole de Guerre Économique (1999) et d'un diplôme en "stratégies, analyses et prospectives des mondes méditerranéens" (2022) de l'Université de Toulon.
 
Expert en intelligence et sécurité économique, il dirige aujourd’hui VIGILANTIS et s'engage depuis plus de 15 ans à préserver les intérêts de ses clients, à les protéger de la criminalité économique sous toutes ses formes.
 
Négociateur dans le cadre de polices d'assurance "risques spéciaux" pour un leader mondial de la gestion des risques, il a été déployé sur plusieurs dossiers de haute intensité qui l'ont conduit sur les principales zones de crise.
 
Il est l'auteur d'une " contribution territoriale sur le continuum de sécurité " (juin 2020) et de " Danger Zone : Témoignage d'un professionnel de la gestion de crise " aux éditions Balland (mai 2022).
 
Officier de réserve il est titulaire de la Croix du combattant volontaire pour les opérations extérieures.